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Photo du rédacteurÉmile Ackermann

Réinventer le Seder !

Par le Rabbin Avraham « Avi » Weiss

Traduit de l'anglais par Noémie C.


Cette année, le seder sera observé pendant la tempête coronavirus. En levant le plateau du seder au début de maguid, nous ne dirons pas « ke’ha lah’ma anya », « ceci est COMME le pain de misère que nous mangions esclaves en Egypte », mais « ha », « VOICI le pain de misère, car dans le présent, en cet moment même, nous vivons des heures sombres. Voici des suggestions pour relier certains aspects du seder à la crise actuelle du Covid-19. Il s’agit d’un modèle servant à nourrir la réflexion, chacun pouvant participer et partager sa propre interprétation reflétant les événements de cette année. KADESH A la fin du Kiddouch, nous récitons la bénédiction de ché’éhiyanou. Au milieu d’un nombre toujours plus élevé de morts, nous remercions Dieu pour le don de la vie. Nous rappelons à l’Eternel Ses mots dans Deutéronome : « Vois, j’ai placé devant toi la vie et la mort, tu choisiras la vie ». Nous choisissons la vie. Nous implorons Dieu de nous aider, de nous aider à survivre à cette épidémie. OURH’ATZ Ces jours-ci, on nous recommande de nous laver les mains encore et encore et encore. En le faisant au seder cette année, on peut réciter la prière suivante : « En ces temps difficiles, je me dévoue, en consacrant mes mains à de bonnes actions pour le monde ; en donnant la charité ; en utilisant mes mains pour aider les autres qui sont dans le besoin matériel ; en écrivant des mots qui peuvent changer quelque chose ; en levant mes mains pour refléter les mots du Psalmiste, seou yedeh’em kodesh, élevez vos mains dans la sainteté ». YAH’ATZ En cassant la matsa, nous pensons à ceux dont la famille a été déchirée ; frappée par cette terrible maladie. Nous pensons à ceux qui sont malades ; aux membres d’une famille en quarantaine qui ne peuvent pas visiter leurs proches à l’hôpital ; aux endeuillés, pour qui il est encore plus difficile de se remettre sans funérailles, sans visites de shiva normales. LES 4 QUESTIONS En plus des questions traditionnelles, nous nous rappelons avec tristesse en quoi ce Pessah est différent des autres : · Tous les Pessah, nous nous rappelons des menaces émanant d’ennemis humains visibles, de Pharaon à Hitler et autres. COVID-19 est un ennemi inhumain – une menace invisible. · Tous les Pessah, nous sommes réunis à la table du seder avec notre famille et avec les nécessiteux ; ce soir, nous nous réunissons à table en petits groupes, et certains siègent seuls. · Tous les Pessah, nous faisons attention à manger de la nourriture certifiée casher lePessah. Les circonstances dictent des mesures encore plus exigeantes. Chaque boîte et chaque emballage doit être nettoyé et désinfecté pour nous protéger de la contagion. · Tous les Pessah, la fête coïncide avec l’arrivée du printemps, ce qui nous permet de profiter de la nature créée par Dieu en pleine renaissance. Mais ce Pessah, malgré l’arrivée du printemps, nous avons été obligés de rester à l’intérieur, sans pouvoir respirer l’air rafraîchissant du printemps. S’ACCOUDER Lorsque nous mangeons et racontons l’histoire, nous nous inclinons sur le côté, en symbole de liberté. Cette année, en nous accoudant, nous nous rappelons que c’est uniquement en nous reposant les uns sur les autres que nous arriverons à nous en sortir. LES QUATRE ENFANTS Peut-être peut-on suggérer cette année qu’ils représentent les 4 étapes de la vie. Tout-petits, nous ne savons pas poser de questions (che’eino yodeah lishol). Jeunes enfants, nous posons des questions simplement (tam). En grandissant, pendant l’adolescence et au-delà, nous sommes parfois malicieux et rebelles dans les questions que nous posons. Devenus vieux, nous avons gagné la sagesse qu’apportent les expériences de vie (h’ah’am). Cette année, nous reconnaissons que la société a été sensible à la population plus âgée et plus vulnérable. Au cours des millénaires, il a existé des sociétés qui, en temps de crise, ont sacrifié les plus faibles. Jusqu’à présent, nous avons largement passé le test de communauté, notre monde ayant fait beaucoup pour protéger les plus âgés et les malades. Espérons que notre communauté continue à protéger ces h’akhamim et ces zekenim, les plus nécessiteux. MAGUID Pour moi, le texte de la Haggadah qui se démarque cette année est celui des mots bibliques décrivant Dieu entendant nos cris de détresse en Egypte, quand la souffrance des Hébreux a atteint les cieux (va’nitzak, vayishma). De même, le Psalmiste écrit : « Je suis avec toi dans ta détresse – Imo anoh’i betsara ». Ce verset parle non seulement de reconnaître la présence de Dieu après avoir été sauvé, mais de la croyance que même avant, même pendant que nous souffrons encore, Dieu est avec nous. De même que Dieu a écouté nos cris en Egypte, aujourd’hui nous lui demandons avec respect : « Ô Dieu miséricordieux, nous écoutes-tu en ce moment ? » DAYENOU Comme dans la célèbre chanson où nous exprimons notre gratitude à chaque étape, aujourd’hui nous avons l’occasion de remercier les héros qui agissent pour nous tous. Quelques suggestions : · Si nous avions juste la chance d’avoir des camionneurs qui livrent à manger dans nos magasins, et des employés qui les mettent en rayon et qui les livrent chez nous – dayénou. · Si nous avions juste la chance d’avoir la police et les pompiers qui patrouillent dans les rues pour nous protéger, et qui risquent la vie pour nous – dayénou. · Si nous avions juste la chance des gardiens d’hôpitaux, des pharmaciens, des infirmiers et des infirmières et des médecins en première ligne pour s’occuper des malades, qui font tout ce qu’ils peuvent pour les guérir – dayénou. LE PESSAH DE RABAN GAMLIEL Ici, nous nous rappelons l’Ange de la Mort qui est passé au-dessus de nos maisons en Egypte, épargnant ceux qui restaient à l’intérieur. Ces jours-ci aussi, il est impératif de rester chez soi, pour « bloquer » dehors le virus. TSAFOUN Nous mangeons l’afikomane, symbole de la rédemption, dont l’heure est tsafoun, cachée. L’un des grands défis du Covid-19 est la peur, l’incertitude, oui, sa nature « cachée » - nous n’avons aucun moyen de savoir quand est-ce que nous serons délivrés de ces horreurs. LE PROPHETE ELIE En ce moment, on nous recommande de n’ouvrir la porte à personne. Il y a pourtant une exception : la figure mystique d’Eliyahou Hanavi. Lorsqu’il entre chez nous, il est notre unique invité, et unique espoir que cette année ou même avant, nous pourrons l’accueillir en compagnie de nos amis et de notre famille. HALLEL Min hametsar, de la détresse viendra le soulagement. En ces temps difficiles, nos communautés se sont réunies et se sont ressoudées. Quand ce sera fini, prions-nous, nous serons plus forts que jamais. Comme l’a écrit Leonard Cohen « Il y a une fissure en toute chose, ainsi entre la lumière ». NISHMAT Cette prière met l’accent sur la sainteté de chaque être humain – un prérequis nécessaire à la rédemption. Nishmat kol h’ai nous enseigne que nous sommes tous ensemble dans cette épreuve. Ce virus n’a ni couleur, ni nationalité, ni groupe ethnique, ni frontière. Puissions-nous passer, cette année et au-delà, d’une reconnaissance réactive à une reconnaissance proactive de ce qui nous rassemble. HATSI HALAYLA La nuit symbolise le désespoir. Minuit en représente l’apogée. Tout en reconnaissant comment nous avons surmonté les « minuits » à travers l’histoire, nous savons, profondément, qu’avec l’aide de Dieu nous surmonterons également cette nuit des nuits. HAD GADYA Les premiers mots de cette ultime chanson du seder sont peut-être un jeu de mots sur le mot aggadata : la vie est un récit haggadique difficile à comprendre. Mais de même que nous chantons joyeusement l’histoire de had gadya, souvent, dans des circonstances difficiles, nous devons aussi penser à rire. Et les memes, les vidéos et les blagues qui circulent peuvent servir de baume sur nos blessures en cette heure tragique. HATIKVA Mes parents terminaient toujours le seder en chantant l’Hatikva, pour exprimer le fait que la rédemption, surtout avec la création de l’Etat d’Israël, est déjà en chemin. Ces mots résonnent avec force ces jours-ci – od lo avda tikvaténou : nous garderons toujours espoir, nous nous en sortirons. Oui, avec patience, confiance et volonté, nous allons y arriver. La patience, quelle qu’en soit la durée ; la confiance en Dieu et en ceux qui nous guérissent ; et la détermination personnelle, comme disent les rabbins, ein davar she’omed bifné haratson : rien ne peut faire obstacle à la volonté. Ce Pessah aussi, nous prions pour entamer ce voyage du crépuscule à l’aube, de l’obscurité à la lumière. Lou yehi – si seulement. Rav Avi voudrait remercier Rabbi Aaron Frank et Rabbi Ezra Seligsohn pour leur aide et leur soutien.



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