אֶ֨ת־כַּסְפְּךָ֔ לֹֽא־תִתֵּ֥ן ל֖וֹ בְּנֶ֑שֶׁךְ וּבְמַרְבִּ֖ית לֹא־תִתֵּ֥ן אָכְלֶֽךָ׃ (37) Ne lui donne point ton argent à intérêt, ni tes aliments pour en tirer profit. אֲנִ֗י יְהוָה֙ אֱלֹ֣הֵיכֶ֔ם אֲשֶׁר־הוֹצֵ֥אתִי אֶתְכֶ֖ם מֵאֶ֣רֶץ מִצְרָ֑יִם לָתֵ֤ת לָכֶם֙ אֶת־אֶ֣רֶץ כְּנַ֔עַן לִהְי֥וֹת לָכֶ֖ם לֵאלֹהִֽים׃ (38) Je suis l'Éternel votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d'Egypte pour vous donner celui de Canaan, pour devenir votre Dieu Beaucoup de sages s'étonnent de la juxtaposition de ces deux versets. En effet, quel est le rapport entre l'interdiction de prêter avec intérêts et le fait que Dieu "nous ai fait sortir d'Egypte, pour nous donner la terre de Canaan, pour être notre Dieu" ? Il pourrait nous venir à l'esprit directement l'idée que toute personne qui emprunte à intérêts le fait car elle est dans un état de précarité économique, qu'elle est donc vulnérable; il s'agirait plutôt en général d'un étranger qui arriverai en Israël, ou d'une personne isolée. Dieu nous dirait alors qu'Il ne nous a octroyé la terre que conditionnellement : si vous abusez d'une personne déjà vulnérable, alors vous ne mériterez plus d'occuper la terre octroyée. Seulement, il existe déjà beaucoup de passages qui sont justifiés par "Car tu as été étranger en Egypte", justification qui serait beaucoup plus légitime qu'un vague "Je suis Dieu", car dans ce cas, pourquoi ne pas mettre ça à la fin de toutes les mitsvot ? Cette justification marcherait après n'importe quel commandement de la Torah. Le Malbim (XIXe siècle) tente de nous livrer la particularité de cette interdiction, en utilisant une formule très forte bien qu'hyperbolique : "Celui qui nie l'interdiction de prêter avec intérêts nie toute la Torah". Il veut dire que cette mitsva est en quelque sorte la mitsva idéale pour tester sa foi en Dieu et en Sa providence, car celui qui le fait ne pense pas avoir d'autres choix pour se faire de l'argent, étant donné que c'est un moyen assez simple. Dieu dirait alors "ne le fais pas, car Je prendrai soin de toi autrement", et ne pas l'écouter serait un manque flagrant de foi. Ce qui irait de le sens du Netsiv (XIXe siècle), qui semble dire la même chose. Une personne qui penserait être contrainte à le faire, qu'elle emprunte ou qu'elle prête, et donc innocente malgré l'interdiction se voit répondre "il y a toujours une autre façon de faire". La présence de Dieu doit se faire sentir dans nos actes publics et privés, dans nos échanges gratuits ou commerciaux. Ce qui nous amène au Sforno (XVIe siècle) , qui se concentre sur la dernière partie du verset, "pour être votre Dieu", qu'il interprète comme voulant dire "pour être le Dieu de tous". Pas simplement du riche, du propriétaire, qui a assez pour ne pas être constamment sous pression au quotidien et aurait alors la possibilité de se concentrer sur le religieux. Ce verset nous apprend la nécessité pour les juifs de créer une société qui permet à tous de s'épanouir, car le but de la société serait de servir Dieu par les individus. Or si une partie de la population n'a pas de quoi vivre, comment pourrait-elle s'occuper de Dieu ? Quand il n'y a pas de pain, il n'y a pas de Torah. C'est pourquoi ce commandement précis est à mettre en relation avec toute la parasha de Behar : nous nous rendons alors compte que cette portion compte un grand nombres de commandements nous mettant sur la piste quant à la possibilité de créer une société juste, qui permettent un triple rapport individus-terre (travail), individus-individus (éthique) et individus-Dieu (spirituel), les trois relations s'alimentant bien sûr les unes les autres en étant en contact à bien des égards. Ainsi les lois sur la Shmita et le Yovel, l'année de rémission et celle du Jubilé, où il est interdit de travailler la terre et d'en récolter les fruits, nous arrache à notre égo de dominateur de la terre mais aussi à notre humilité, crée par la conscience de la dépendance de ce travail, permettant un équilibre du rapport individus-terre. Puis le renvoi obligatoire des esclaves permet lui un approfondissement du rapport entre les individus : aucun homme ne saurait être véritablement propriétaire d'un autre. C'est l'explication de Rabeinu Behaye sur le verset 17 "n'harcèle point ton prochain" qui irait dans ce sens, ce verset signifierai l'interdiction à un maître d'ordonner à son esclave de faire un travail qui n'est pas utile.Là aussi, le verset fini par "Je suis Dieu", c'est à dire Je sais ce que tu penses et ce que tu fais, même en privé. Déjà des limitations fortes sont placées sur la possibilité de l'esclavage, qui est presque vue finalement comme quasi-illégitime du point de vue Toraïque. Rashi va même plus loin dans son interprétation sur le verset pour dire que ça concerne l'interdiction de faire du mal par les mots à son prochain, ou même de lui donner un conseil qui ne serait pas complètement en sa faveur. Tout ça venant après les lois financières dérivants de la shemita et précédant une sorte de conclusion générale "Vous observerez mes décrets et mes lois". Est donc présent dans la portion de cette semaine une injonction transcendante, qui ne pourrait être résumé à une mitsva, de faire en sorte de créer une société juste, où tout le monde aurait sa place et une possibilité de servir Dieu librement. Comment faire ça ? A travers ce triple équilibre, travail-éthique-spirituel, symbolisé par la relation présente dans la shmita et l'interdiction du prêts à intérêts, le rapport terre - esclavage - vulnérabilité financière qui sont en fait liés. Car sans terre, on contracte des dettes, et en cas d'insolvabilité, on en vient à se livrer en esclavage pour les rembourser. Behar, c'est la sorti de ce cercle vicieux, en nous incombant à tous de lutter à notre manière pour un lendemain plus juste
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